1 mars 2011

À vue de nez...

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... même Cyrano est battu !




Parmi mes projets à pas trop long terme, apprendre par coeur La tirade des nez... non seulement par coeur, mais aussi savoir l'interpréter avec fougue et désinvolture !

Cyrano de Bergerac
La tirade des nez (acte 1, scène 4)

Cyrano Ah ! Non ! C'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire... oh ! Dieu ! ... bien des choses en somme...
En variant le ton, —par exemple, tenez :
Agressif : « moi, monsieur, si j'avais un tel nez,
Il faudrait sur le champ que je me l'amputasse ! »
Amical : « mais il doit tremper dans votre tasse :
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « c'est un roc ! ... c'est un pic... c'est un cap !
Que dis-je, c'est un cap ? ... c'est une péninsule ! »
Curieux : « de quoi sert cette oblongue capsule ?
D'écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ? »
Gracieux : « aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? »
Truculent : « ça, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée ? »
Prévenant : « gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! »
Tendre : « faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »
Pédant : « l'animal seul, monsieur, qu'Aristophane
Appelle hippocampelephantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d'os ! »
Cavalier : « quoi, l'ami, ce croc est à la mode ?
Pour pendre son chapeau c'est vraiment très commode ! »
Emphatique : « aucun vent ne peut, nez magistral,
T'enrhumer tout entier, excepté le mistral ! »
Dramatique : « c'est la Mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif : « pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Lyrique : « est-ce une conque, êtes-vous un triton ? »
Naïf : « ce monument, quand le visite-t-on ? »
Respectueux : « souffrez, monsieur, qu'on vous salue,
C'est là ce qui s'appelle avoir pignon sur rue ! »
Campagnard : « hé, ardé ! C'est-y un nez ? Nanain !
C'est queuqu'navet géant ou ben queuqu'melon nain ! »
Militaire : « pointez contre cavalerie ! »
Pratique : « voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! »
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l'harmonie ! Il en rougit, le traître ! »
—Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous m'auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit :
Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n'avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
Me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n'en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d'une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve.


Edmond Rostand (1897)
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2 commentaires :

  1. Je le connaissais PAR COEUR ce texte ! mais ça s'oublie... en le relisant je me dis qu'il y a vraiment difficile à exprimer, j'avais que 14 ou 15 ans quand même ! ralala mais c'était tellement drôle de le réciter devant toute la classe =P bon courage pour l'apprendre, à mes (bons) souvenirs, j'avais eu 2 petits mois pour l'apprendre

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  2. Moi aussi je le connaissais par cœur et j'étais encore plus jeune (une dizaine d'années). Je l'avais appris pour le plaisir... et parce que mon père avait vu la pièce lors d'un voyage à Paris et m'avais ramené un disque (45 T et oui plus très jeune, hihihi) avec cette tirade et sur l'autre face (et oui à l'époque les disque avait 2 faces...) "A la fin de l'envoi, je touche !"

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