Série de photos prises par Camille, il y a deux ans. Je me suis contentée de les recadrer. Comme le masque anti-mouches de Chimo est au sol derrière André, je présume que le but de l'exercice était tout simplement de le lui mettre, un jour où celui-ci n'en avait probablement pas envie.
André demande à Chimo de venir le voir et Chimo rouspète, car il a une réputation d'étalon indépendant à faire respecter...
Confrontation entre deux esprits aussi obstinés l'un que l'autre. Chimo sait très bien ce que lui demande André, mais ça l'agace! Et quand Chimo est agacé, il secoue la tête... ce qui donne des photos plutôt cocasses!
Alors qu'André demeure calme et ancré, en faisant signe à Chimo de venir le voir, Chimo fait les cent pas, résiste mentalement et... secoue la tête! C'est un peu le doigt d'honneur des chevaux...
Chimo : Non! Non! Non! Je ne cèderai pas! Je sais ce que tu demandes, mais ça m'agaaaace!
André : Je sais. Viens me voir quand-même...
Chimo (ronchonnant) : Bon, ok d'abord... on ne va pas y passer la journée, comme tu insistes...
André (toujours aussi posé) : merci.
Chimo (in petto) : Tout ça pour ça!
Petite note sur Chimo :
Chimo a eu une enfance difficile. Il semble qu'il ait passé les six premières années de sa vie dans un rond de longe de 18 mètres de diamètre, à trotter et galoper dans un sens et dans l'autre, jour après jour.
Lorsque nous sommes allés le chercher, il avait 6 ans, il portait encore un licou de yearling dont - heureusement - la muserole (la partie autour du nez) avait lâché, quoique son chanfrein reste marqué par le fait qu'il a grandit dans un licou trop petit.
Manifestement, ses sabots n'avaient jamais été parés et - une fois encore - heureusement qu'il était aussi actif, ce qui a permis de les garder d'une longueur raisonnable, mais le fait de toujours tourner en rond lui avait quand-même déformé les pieds.
Les humains, surtout les hommes, l'inquiétaient énormément et, s'il se sentait coincé, il était tout simplement terrifié. Son ex-propriétaire nous a dit qu'il avait été "éduqué" par un élève de John Lyons. Nous avons surpris cet homme en train "d'éduquer" une pouliche et nous avons pu constater que 1) s'il avait suivi le moindre enseignement de John Lyons, il ne les avait certainement pas saisis; 2) On comprenait d'où venait les crises d'angoisses d'Insy (qui vient du même endroit) et j'ai pu diagnostiquer pourquoi Chimo était alors particulièrement intouchable du côté droit et impossible à toucher sur les jambes : probablement attrapé au lasso, jeté et ligoté au sol et "désensibilisé" à grands coups de corde... Oui, cela se fait. Encore. Beaucoup. Oui, c'est abominaffreux.
Je vous passe les détails sur comment nous avons découvert Chimo, les tenants et aboutissants, c'est une longue histoire... mais rendons à
César ce qui lui appartient, il y avait un humain qui l'aimait vraiment
et beaucoup, à qui il n'appartenait pas, mais qui lui a
probablement permis de conserver cette gentillesse innée. Car Chimo est
un gentil. Fier et gentil. Nous sommes tombés sous le charme dès l'instant où nos yeux se sont posés sur lui. C'est cette présence, cette fierté qui nous a
fait le ramener chez nous, malgré ce que la raison nous dictait.
Jamais, une seconde, ni André ni moi n'avons regretté cette décision.
Chimo nous a appris tellement. Un professeur extraordinaire qui ne laisse rien passer. Au sol et à distance, il lit le moindre transfert de poids de notre corps, froncement de sourcils, changement d'humeur, manque de concentration. Il nous a fait remettre en question le peu que nous savions, nous a forcé à l'étude, la patience et le calme intérieur. Il pardonne nos erreurs, mais nous fait revoir nos leçons. Chimo est un maître.
Malgré ses peurs et ses angoisses et malgré nos maladresses, malgré qu'il soit entier et qu'il ait un harem à aimer et protéger, Chimo n'a jamais été agressif. Même lorsque, alors que je lui apprenais à se laisser toucher les jambes, il les lançait violemment hors de portée, il a toujours pris soin de ne jamais le faire dans ma direction; sa défense a toujours été de se mettre hors de portée, jamais l'attaque. Sauf une fois, au tout début, la seule et unique fois où il a montré de l’agressivité vers un humain : un cow-boy du dimanche empestant l'after-shave pérorait avec arrogance, dos à Chimo. Moi, polie, je faisais semblant d'écouter, cherchant une issue qui me permettrait de me débarrasser du fâcheux, lorsque Chimo l'a soudainement mordu à l'épaule! Comme il n'y avait pas mort d'homme, j'ai eu beaucoup de mal à retenir mon rire alors que le vaniteux prétendait que cela n'était rien, mais je sais qu'il a du avoir un sacré bleu. Et il est parti, le sourire crispé. Merci Chimo.
Depuis, nous avons fait un bien beau bout de chemin avec Chimo. Toujours attentif, il travaille au sol parfaitement. J'avais commencé son débourrage et, petit à petit, il acceptait selle et bride sans difficulté. Lui faire accepter que nous soyons plus haut que lui, perché sur un montoir, à ses côtés, a été tout un défi. Quand est venu le temps de le préparer au cavalier, j'ai senti qu'il était trop tôt. Simplement le fait de poser ma main sur la selle, alors que j'étais debout sur le montoir, le faisait s'enfuir, que cela soit physiquement ou psychologiquement. Alors j'ai arrêté, décidée à lui donner le temps qu'il faudrait et si l'occasion ne se présentait jamais et bien, c'était sans importance. Il était heureux, adorable avec ses juments, produisant des poulains merveilleux, toujours préoccupé par la sécurité de son troupeau. C'était son boulot et il le faisait parfaitement.
Dans la vie, un étalon a deux obligations : se reproduire et protéger son troupeau. Chimo a fait l'un et l'autre avec brio. Mais le métier d'étalon est dur pour les nerfs, car il demande une vigilance de tous les instants. Chimo va avoir 19 ans cet été, nous avons voulu lui offrir la zénitude qu'il méritait et c'est pourquoi nous l'avons fait castrer (voir Le Battement d'aile du papillon). Rassurez-vous, il va très bien et, surtout, il semble zen. Il est beaucoup moins anxieux pour ses filles et les laisse vivre leur vie alors qu'il profite du soleil printanier pour faire une sieste. Bien sûr, il continue à réagir quand l'une d'elle vient lui faire de l'oeil, mais il se lasse et finit par les ignorer. Pour l'instant, il répond toujours à Hélios quand celui-ci le nargue et le défie, mais ce n'est plus Chimo qui commence. Bref, il se passe ce que nous souhaitons. Et je pense même revoir son débourrage cet été, qui sait, il sera peut-être ravi d'avoir une nouvelle job?
Joli Chimo. Je me rappelle chacune des histoire que tu nous avais conté sur Chimo, et ça me rend nostalgique. J'ai hate de retraverser l'Atlantique ! <3
RépondreSupprimertres belle analyse, sensible et intelligente.Bravo a André pour sa patience et son obstination.
RépondreSupprimermamili