3 décembre 2010

Celle qui va

Selka & Isa-de-Namaspamoos, autoportrait complice.


Celle-qui-va, Selkiva, celle qui est finalement devenue Selka.

J'ai su que j'adopterais Selka le jour où j'ai appris son existence et sa situation. Et j'ai su que je devais changer son nom par la même occasion. Car notre Selka est née Sandy's Spice Curl dite Spicy, en Colombie-Britannique. Pourquoi changer son nom ? Tout simplement parce qu'il ne lui convenait pas et parce que son éleveur n'avait pas pris la peine de s'occuper de la faire enregistrer. Les chevaux de race sont rarement appelés par leur vrai nom, souvent long et pompeux, ils héritent de surnoms ou de diminutifs plus simples et qui conviennent souvent mieux à leur personnalité. Mais dans le cas de Selka, ce besoin était plus intuitif; son «vrai» nom ne lui convenait pas et même un surnom n'aurait pas fait l'affaire.





Nous étions en 2008, Selka avait trois ans. Elle avait été achetée toute pouliche par une gentille dame qui ne connaissait rien aux chevaux, mais qui avait craqué pour la peluche vivante qu'elle était à l'époque : une ponette pie noire, couverte de frisous et tout simplement adorable. C'est donc à 6 mois qu'elle entama le premier de ses longs voyages, de Colombie-Britannique au New-Hampshire, pratiquement 5000 km de camion.

Dans sa nouvelle famille, Spicy a été gâtée en caresses et en carottes et heureusement qu'elle vécu toujours avec d'autres chevaux qui l'éduquèrent, car sa famille humaine ne lui donna jamais la moindre indication de comment une pouliche bien élevée devait se conduire. Pour Spicy, les humains n'étaient que des distributeurs de carottes auxquels il n'était même pas nécessaire de dire s'il vous plaît et merci. La jeune Spicy, dénuée de méchanceté mais intelligente et perspicace comme savent l'être les chevaux, appris très vite qu'il suffisait de baisser les oreilles et de faire mine de tapper pour que les humains la laisse tranquille. Car pour un cheval, celui qui recule, même d'un centimètre, est dominé et le dominé cède naturellement sa place au dominant quand celui-ce se présente; cette relation hiérarchique n'empêchant en rien l'amitié. Ainsi, on verra un dominé céder sa place au ratelier, puis revenir s'installer pour manger à côté de son patron. Du moment que les règles sont respectées, tout se passe naturellement et sans heurts, chacun connaissant sa place. On parle d'ailleurs de dominance et non de domination, ce que bien des humains confondent.



 Bref, Spicy a trois ans et est adorable avec les humains tant que ceux-ci ne prétendent pas lui demander quoique ce soit. Mal entourée et mal conseillée, la gentille dame ne sait plus quoi faire de cette adorable peste et se résigne à la mettre en vente. Elle appelle une amie éleveuse pour savoir si elle serait intéressée et celle-ci me contacte, sachant que je m'intéresse aux poneys...  Comme d'habitude, suivant mon instinct, je me lance dans l'aventure. Avec mon amie, nous allons chercher la Miss Personnalité. Elle me plaît immédiatement : d'une taille idéale, belle et rebelle, mais pourtant pleine de bonne volonté. Elle a l'oeil doux et un regard où pétille l'intelligence et l'espièglerie. Malgré les affirmations de la dame, je n'y vois nul méchanceté ou sournoiserie. Curiosité et retenue se mêlent; j'ai hâte d'entrer en communication avec elle. Il suffit de quelques minutes de travail à pied pour lui apprendre à céder (ô quelle nouveauté !!!) à la longe et la voici me suivant sans hésiter dans la remorque. Mille cinq cents kilomètres additionnels plus tard, Spicy fait connaissance avec sa nouvelle maison et son nouveau nom se présente de lui-même : je voulais conserver le «S» du nom de son père et c'est d'abord Selkiva qui me semblait juste, mais pas tout à fait. Et Selka s'est imposé, naturellement sorti de ma bouche quand je lui dit bonjour le matin suivant.



 Et nous sommes tombés sous le charme. Pétillante, effrontée, câline et obstinée, la belle Selka est aussi pudique. Elle adore ses humains, mais elle aime bien leur tenir tête, ou faire semblant. Il suffit de déjouer ses astuces et lui montrer qu'il est bien plus agréable de collaborer que de rechigner. Elle boude facilement et n'apprécie pas que cela nous fasse rire. Lors de ses chaleurs, elle est chatouilleuse et d'humeur changeante. Mais quel puit de tendresse (et de gourmandise, il faut bien l'admettre) ! Et quelle formidable maman ! Elle nous a donné la merveilleuse Picola, fruit de ses amours avec Pirate et elle offrira une petite soeur ou un petit frère à Picola l'an prochain. Mais ce bébé naîtra en France, car la belle-qui-va a ajouter quelques milliers de kilomètres à son parcours, faisant la preuve que son nom lui était prédestiné.



Et oui, Selka vit maintenant à Lilodahu, en compagnie de deux autres chevaux, d'un âne, de deux alpagas, d'un chien et de ses nouveaux humains.  Ses aventures sont aussi racontées dans le blog de son humaine, Carole (le lien se trouve dans la liste de blogs, à droite). Et elle a eu droit à 45 cm de belle neige poudreuse, donc elle doit être ravie !

 Toutes les photos que je publie aujourd'hui ont été prises quelques temps avant son départ, alors qu'elle patientait durant son interminable «quarantaine», car l'histoire de son exportation pourrait faire l'objet d'une entrée de blog à elle seule. De report en report, Selka nous a définitivement quitté pour les sommets enneigés de la Haute-Savoie où elle est finalement arrivée fatiguée mais entière.


 Et je crois qu'elle fait le bonheur de sa nouvelle humaine... Enfin, je l'espère de tout coeur. Il est tellement important pour nous de trouver la bonne maison pour nos chevaux. Et j'avoue que nous n'avons pas à nous plaindre, compte tenu du nombre de chevaux que nous avons placés, les probabilités que certaines histoires tristes arrivent augmentent avec le temps. Mais pour l'instant, les nouvelles sont toutes bonnes et heureuses, et nous en sommes ravis.

Mais j'avoue que certains sont plus attachants que d'autres et quel leur souvenir se teinte de mélancolie. Selka nous a fait rire souvent. Maugréer aussi. Et il faut voir le sourire narquois qu'elle nous adressait quand elle réussissait à nous faire marcher ! (Oui, un Curly peut avoir un sourire narquois, il suffit de bien les connaître et d'être attentif !)







Belle, belle Selka, tu me manques. Joue quelques tours à Carole et Gérard de ma part.

Fais les rire comme tu savais si bien nous faire rire.

Et si tu es fidèle à toi-même, tu devrais même apprendre quelques jurons savoyards, comme tu as appris les jurons québécois, les jours où tu faisais tourner André en bourrique ! (Attention, parlant bourrique, tu as de l'authentique sur place, je suis certaine que vous aurez des tas de trucs à partager !)

Où ai-je lu que lorsque la tristesse creuse notre coeur, cela laisse plus de place plus tard pour de l'amour ?

5 commentaires :

  1. Quel parcours pour Selka ! =)
    Qui sait, peu être qu'un jour nous iront (entre soeurs bluetooth ;P) en Haute Savoie rendre visite à cette douce chipie ! =P

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  2. Magnifique article, très émouvant...
    J'aimerais aussi aller la voir avec ma soeur Bluetooth! ^^

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  3. Et!bien!Un mini roman d'aventure chevaline...On s'attache au personnage principal facilement. Camille

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  4. Vous êtes les bienvenues quand vous voulez mais je vous l'ai déjà dit.
    Et je confirme, on s'y attache !
    Et au niveau du caractère... C'est tout à fait ça. Je trouvais mon Napo bien malin, curieux et doué pour trouver toutes les bêtises possibles mais je crois qu'en la matière il a trouvé son maître, ou plus exactement sa maitresse. Hihihi !

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