26 février 2009

Chronique météorologiquement olfactive

Si je ne me trompe pas, février est le mois où, statistiquement, il neige le plus... de pair avec décembre, janvier et mars.

Je confirme.

Il neige et vente. Et la météo a des soubresauts auxquels un épileptique attribuerait probablement une note de 9.58 - avec tout le respect et la compassion que j'ai pour les personnes atteintes de cette terrible maladie.

Il faisait -2°C avec neige et vents forts, ce matin, 6°C dans l'après-midi. Samedi, si nos bons météorologues maintiennent leurs prévisions, on dégringole à -17°C...
Soyons honnêtes : il y avait hier un soleil magnifique, un ciel bleu infini et vide de nuages, pas de vent. Ça aussi, c'est notre hiver.

Ne croyez pas que je me plaigne ! J'aime mon pays, j'aime ses saisons aux mille visages. J'aime quand la nature s'exprime. J'aime le vent, j'aime la pluie, j'aime la neige, j'aime le ciel bleu, les nuages de beau temps comme ceux d'orage... Mais j'aime surtout leurs odeurs.



En fait, j'ai hâte de humer le parfum de la prochaine saison. La mémoire des odeurs est celle qui perdure le plus longtemps. Dès la naissance, le nourrisson est guidé par son nez : sa maman, le sein... il étiquette son environnement d'abord par son odorat. La mémoire olfactive est celle qui demeure quand on atteint un âge vénérable. Par les odeurs affluent souvenirs, images, sensations... Nous mangeons nos confitures, en souvenir de leur parfum.*

Et les saisons possèdent un bouquet qui leur est propre, reconnaissable entre toutes, qui nous tombe dessus, un beau matin, sans crier gare ! Et mon cœur en est tout bouleversé.



Ces arômes m'émeuvent autant que l'odeur exhalée par le sommet du crane d'un nouveau né, que celle d'un chiot; que les effluves enivrantes des premières pivoines et des premiers lilas du printemps.

L'odeur de la terre qui se découvre de son blanc manteau hivernal se place également assez haut dans ma liste des flagrances réconfortantes. Avec celle des feuilles mortes de l'automne. D'une grange débordante de foin. Des chevaux. Du thé chaï. De la vanille. Des livres neufs.
Couronnées par le parfum de la nuque de mon mari.


*Les Confitures par Georges Duhamel

«Le jour que nous reçûmes la visite de l'économiste, nous faisions justement nos confitures de cassis, de groseille et de framboise.

L'économiste, aussitôt, commença de m'expliquer avec toutes sortes de mots, de chiffres et de formules, que nous avions le plus grand tort de faire nos confitures nous-mêmes, que c'était une coutume du moyen âge, que, vu le prix du sucre, du feu, des pots et surtout de notre temps, nous avions tout avantage à manger les bonnes conserves qui nous viennent des usines, que la question semblait tranchée, que, bientôt, personne au monde ne commettrait plus jamais pareille faute économique.
- Attendez, monsieur ! m'écriai-je. Le marchand me vendra-t-il ce que je tiens pour le meilleur et le principal ?
- Quoi donc ? Fit l'économiste.
- Mais l'odeur, monsieur, l'odeur! Respirez : la maison toute entière est embaumée. Comme le monde serait triste sans l'odeur des confitures !
L'économiste, à ces mots, ouvrit des yeux d'herbivore. Je commençais de m'enflammer.
- Ici, monsieur, lui dis-je, nous faisons nos confitures uniquement pour le parfum. Le reste n'a pas d'importance. Quand les confitures sont faites, eh bien! Monsieur, nous les jetons.
J'ai dit cela dans un grand mouvement lyrique et pour éblouir le savant. Ce n'est pas tout à fait vrai. Nous mangeons nos confitures, en souvenir de leur parfum.»


GEORGES DUHAMEL, Fables de mon Jardin (Mercure de France, Paris, 1936)

2 commentaires :

  1. Oui, je sais, les images n'ont pas grand chose à voir avec le texte... J'avais préparé les photos, puis je me suis mise à écrire... et c'est venu comme ça. Bon.

    C'est ainsi que naissent les textes de ce blog : les photos mènent à l'écrit.

    Les souvenirs ont afflué, dont ce texte de Monsieur Duhamel...

    Ce qui ne veut pas dire que je ne ferai pas l'inverse un de ces jours : écriture, puis photos.

    On verra bien !

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  2. Tu vois une des raisons qui m'a donner envie de partir du midi de la France est que les odeurs du printemps étaient trop diluées, car quel bonheur de sentir la terre qui s'éveille...Merci Isa de ces belles réflexions et de ces toujours superbes photos.

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