J'ai toujours aimé les chèvres. Leur esprit cabotin et indépendant, leur manie de se percher sur la moindre proéminence, leur curiosité et leur sens de l'humour me font rire. Mais, les chèvres sont aussi têtues et pourvues d'un esprit de contradiction qui, parfois, me font tourner... chèvre.
Notre Kuda n'échappe pas à la règle. Elle est certainement la chèvre la plus affectueuse et celle qui fait le moins de bêtises de toute la gente caprine que j'ai eu le bonheur soit de posséder, soit de rencontrer :
Kuda ne monte pas sur les voitures des visiteurs;
elle ne mange pas mes potées fleuries (par contre, il ne faut pas laisser trainer le moindre papier, elle en raffole ! J'ai vu ainsi disparaître en quelques secondes la facture que le livreur de grain avait coincée entre un sac d'avoine et un sac d'orge, comme à son son habitude quand la livraison se fait en mon absence... );
elle ne fonce pas, tête baissée, sur tout ce qui bouge;
elle ne s'installe pas subrepticement sur le canapé du salon;
elle ne fait pas ses cornes sur le ventre des chevaux;
elle accueille gracieusement les visiteurs et adore les hommes.
De préférence les hommes de sexe mâle...
Kuda a vraiment un faible pour les messieurs... elle se transforme alors en chatte câline, énamourée et obstinée.
Sa victime préférée ? Maître Philippe, notre très honorable et respecté instructeur...
L'histoire se passe un samedi après-midi, alors que nous nous préparions à notre cours. J'étais déjà à cheval, réchauffant tranquillement Alya alors qu'André finissait de seller sa monture. Les clichés originaux ont été pris par Loana et je n'ai fait que les éditer quelque peu.
Les Fourberies de Caprin
Acte I, Scène I
dite «Scène de la séduction»
Note de l'auteur : les vers ne sont pas des alexandrins,
navrée, c'est venu comme ça vient !
Kuda : Ô Maître Philippe, permettez que je vous accompagnasse un instant,
car je ne puis résister à suivre votre séant si tentant !
Maître Philippe : Ah ! Gentille Kuda, il est bien difficile de résister
à ces tendres attentions, mais votre présence en ces lieux est inconvenante.
Ne profitez pas ainsi de l'absence de mon épouse, pour tenter l'aventure galante !
Kuda : Mêêê quelle idée vous vient donc là !
Je serai discrète et personne ne me verra...
Maître Philippe : Non, Kuda, je serai intraitable
et je vous prie de quitter, séance tenante,
car cette relation n'est pas souhaitable,
elle serait même inconvenante...
Kuda : Je m'indigne et je résiste,
je récrimine et j'insiste !
Maître Philippe : Non Kuda. De mon index impératif,
la porte je vous indique !
Et quittez cet air rétif,
je ne souffre vos plans machiavéliques !
Acte I, Scène II
dite «Scène de l'obstination»
L'action se déroule quelques minutes plus tard...
Kuda : Maître Philippe, me voici de retour !
Je pense qu'il y a eu méprise,
sur le sens de mon amour !
Ne voyez-vous donc pas combien je suis éprise ?
Maître Philippe : Kuda, votre insistance me pèse,
Souffrez donc que j'insistasse,
car votre présence me met mal à l'aise.
Oust ! Dehors la grognasse !
Kuda : Non, je me rebiffe et je refuse !
Ne pensez pas que je sois obtuse,
je suis chèvre et obstinée,
et jamais caprin ne change d'idée !
Acte II, Scène I
dite «Scène de la persistance»
D'autres minutes plus tard...
Maître Philippe : Kuda ! Vous revoilà donc !
(Note : l'auteur fatigué,
sans chercher la rime,
prit la décision d'écourter
la réplique pusillanime !)
Maître Philippe : Ne vous ai-je point déjà indiqué la sortie ?
Ne voyez-vous donc point que nous sommes désassortis ?!
Kuda : Mêêêê...
Bêêêêê !
Acte II, Scène II
dite «Scène de la défaite»
Suite de la scène précédente...
Kuda : Ô Maître Philippe,
voyez comme je vous adore !
Ne versez point dans l'archétype
et mirez dans mes yeux vieil-or
la tendresse d'une biquette
pour un riche conquistador
qui s'en contrebalance,
dit sans médisance,
comme de sa première liquette !
Kuda : Orage, ô pluie malfaisante
N'ai-je donc point vécu
que pour être marrante ?
Suis-je donc une caprine déçue
par une humanité exaspérante ?
Kuda : Mais peu m'importe
qu'il me mette à la porte.
D'une prestance de reine,
altière, je quitte l'arène.
Je vous dis adieu, Maître Philippe !
Finalement, vous n'êtes pas mon type...
Épilogue
Déçue de voir ainsi refuser son offrande,
Kuda cessa enfin son caprice caprin.
(et on notera, enfin, les alexandrins !)
Fin
«Oui, je me demande parfois si l'homme, tout bien pesé,
n'a pas fait faire à la connaissance un énorme pas
en arrière en renonçant à l'imagination et à la
poésie comme moyens d'investigation...»
L'Hurluberlu
Jean Anouilh
Génial !!! Bravo !
RépondreSupprimerDis, Isa, avec ma fâcheuse manie de toujours regarder également les seconds plans des photos, j'ai une question : c'est bien Alya que tu chevauches photo 7 ?
Bises
Bonjour Virginie !
RépondreSupprimerOui, il s'agit bien d'Alya. Elle travaille bien, la cocotte, et elle apprend vite !
Merci de me lire et d'apprécier mes photos ;o)
Ben Kudon! C'est toute une chèvre!
RépondreSupprimerQue de talent d'écriture! Rime ou pas, je suis
fascinée par ce récit captivant si bien imagé. C'est toujours un plaisir de venir sur ton blog.
Ton petit reportage sur Passion et son amie Frimouss était tout aussi ravissant.
Louise
Et bien et bien!ma chère Isabelle!
RépondreSupprimerTu sauras toujours me surprendre.
Toute une coquine que cette chèvre.
Je suis presque peinée que de voir l'aventure de chèvre Kuda et de maître Philippe se terminer.
Au plaisir d'un nouvel épisode.Camille
Morte de rire et fascinée par l'écriture.
RépondreSupprimerBravo
maman
Un merveilleux moment passé à te lire ! J'aurais adoré rimer avec toi et te complimenter au moyen de quelques quatrains bien arrondés, mais comme tu le disais précedement, plus les journées sont longues, plus elles sont courtes...... aussi je te dis juste un grand merci; Un vrai bonheur
RépondreSupprimerSophie
Quand on connait tous les protagonistes, c'Est encore plus marrant. Vraiment, Bravo Isabelle pour ton talent de conteuse qui est ici doublé d'un humour irrésistible. J'ai passé un merveilleux moment à lire cette chronique / pièce.
RépondreSupprimerSacré Kuda !
RépondreSupprimerJ'attend, on attend toujours une nouvelle entrée de blog depuis l'Outre-Atlantique ! =P
Une histoire truculente à savourer sans retenue, bref un blog à avoir lu au moins une fois dans sa vie... Merci internet merci la vie serais bien triste sans toi...
RépondreSupprimerBonjour Anonyme, te "désanonymerais"-tu afin que je reconnaisse qui dissimule un aussi joli compliment ?
SupprimerAvec humour, toujours !
Bonjour, quel talent même si la rime n'y est pas toujours! C'est toujours un plaisir de lire sur ce blog! Très bien imagée en plus! Marie-Josée
RépondreSupprimerIsabelle je viens de relire, désolée la rime y est ça c'est certain. J'avais mal lu ta mise en garde du fait que ce ne sont pas des alexandrins, j'avais retenu plutôt que la rime n'y était pas. C'est très réussi, bravo!
RépondreSupprimerMarie-Josée