7 janvier 2012

Émoi au harem

.
Avant-hier, installée dans la petite écurie du fond, les portes ouvertes, j'étais tranquillement en train de parer les pieds de Baabul. Chingko nous tenait gentiment compagnie, dans un box contigu, alors que Baabul et moi étions installés dans le couloir. Avec un Baabul sage et coopératif, mon ouvrage allait bon train jusqu'à ce que, soudainement, Baabul se tende et sursaute, lâchant un tonitruant ronflement d'inquiétude.

À l'extérieur, j'aperçois Chimo et les garçons qui s'agitent, renâclent et se précipitent vers la clôture les séparant des filles. Le temps de me redresser et de passer une main rassurante sur l'encolure d'un Baabul tendu et inquiet, je sors à mon tour devant la porte, afin de garder un oeil sur Baabul et Chingko, tout en cherchant ce qui peut bien agiter ainsi le troupeau.

Chez les filles, c'est l'émoi général. Elles galopent, la queue en l'air, paradent de leur trot le plus élégant, certaines font des départs au galop ponctués de coups de culs... Toutes ont l'air fasciné par quelque chose se trouvant derrière leur grand abri et que, évidemment, je ne peux pas voir de là où je suis. Sur le coup, je me dis qu'elles ont été surprises par une Frimoos en vadrouille dans les broussailles, mais leur intérêt ne se dément pas, ni leur excitation.

Coup d'oeil au parc des garçons : Chimo a l'air vraiment contrarié, il est clair qu'il y a quelque chose chez «ses» filles qui requiert son intervention et il secoue la tête de frustration en arpentant la clôture...

De mon côté, je sais qu'elles ne réagiraient pas comme ça pour un coyote (ou même deux ou trois) quand je me souviens soudainement qu'un puma a été signalé dans nos parages; il faut absolument que j'aille voir. Rapidement, je vérifie que Baabul ne puisse pas se blesser et je ferme la porte de l'écurie pour me précipiter sur le chemin qui mène au parc des filles et justement derrière leur abri...

C'est de là que, ébahie, je le vois : la queue relevée qui envoie de blancs signaux (d'inquiétude, de séduction ?), le port de tête majestueux, au beau milieu du parc des filles, un magnifique cerf. Je ne sais si c'est à ma vue, à la pression exercée par un Chimo en colère ou si c'est l'effervescence de toutes ces jolies filles autour de lui qui a précipité son départ, mais, de son trot aérien, il se dépêchait vers le fond du parc où, avec un peu moins d'élégance, il s'est pris dans la clôture - probablement occupé à surveiller ses arrières - qu'il a finalement traversée sans plus d'encombres. Toujours aussi dignement, en prenant même le temps de jeter des regards au troupeau en pâmoison, il a traversé le champ suivant, puis la route... Probablement aussi troublée que mes juments, je l'ai suivi des yeux autant que j'ai pu, jusque dans nos champs bordant la forêt...

Je ne sais ce qui a attiré ce cerf dans le parc des filles. Avant que nous ne changions les clôtures, il était coutumier de voir quelques biches venir se servir aux râteliers, surtout lorsque le couvert de neige était important, donc la nourriture plus rare, ce qui n'est pas le cas en ce moment. Et si j'en vois régulièrement dans nos champs de foin, je n'en avais pas observées dans les parcs depuis des années, ni vu de traces. Plusieurs des juments sont en chaleur, auraient-elles pu attiser les sens de ce cerf éventuellement attardé dans sa période de rut (qui a lieu plutôt en novembre). Ou a-t-il simplement été attiré par le foin et la présence rassurante de collègues herbivores (du moins, avant qu'elles ne se mettent à danser et de subir l'ire de leur mari !) Peu importe la réponse, le spectacle en valait l'émoi provoqué.


Et non, je n'ai pas de photos de l'événement à partager, alors je me contente de vous offrir par écrit ces images fortement imprégnées dans ma mémoire... 

***

Générique
(par ordre d'apparition et essentiellement à l'attention du nouveau lecteur qui serait un peu perdu avec les personnages...) :

Je : l'Auteure, éleveuse de chevaux de race North American Curly (qui ont la particularité de posséder un poil hypoallergénique et majoritairement frisé), cultivant avec force motivation une certaine idée du bonheur, dans le sens qu'elle est fortement persuadée qu'il se trouve dans mille et une petites choses qui se détaillent avec les yeux du cœur... photographe à ses heures, agitée de velléités d'écriture...

Baabul : fils d'Insy et Nanza, hongre Curly âgé de deux ans, heureux mélange du caractère et du physique de ses deux parents, parfois têtu, mais toujours affectueux. On peut le voir en cliquant sur son nom dans la liste ci-contre...

Chingko : fils de Jolie et Chimo, hongre Curly âgé de deux ans et demi, le timide au grand cœur. Comme tous nos chevaux, on peut en voir et en lire plus en cliquant sur son nom dans la liste ci-contre (colonne de droite, liste des «sujets» traités)...

Chimo : étalon sénior, patriarche et grand patron du troupeau. Père d'une nombreuse progéniture, séducteur accompli, mentor et guide tant pour les poulains que pour les humains qui ont tant à apprendre...Il cohabite avec intelligence avec «les garçons», hongres ou entiers...

«les garçons» : aussi appelés «les boyz», terme générique et affectueux désignant les éléments mâles du troupeau de chevaux, ils ont leur propre parc, contigu à celui des «filles»...

«les filles» : on l'aura compris, ce sont les éléments femelles du troupeau, peu importe leur âge. Elles sont une vingtaine, toutes douées d'une intelligence supérieure et de personnalités attachantes, vivant dans une harmonie toute féminine, ponctuée de crises de jalousie, de SPM et de solidarité...

Frimoos : âgée de deux ans et demi, labradoodle (bâtarde de labrador et caniche royal), de couleur chocolat idéale pour passer inaperçue dans les crottins, c'est la chienne la plus intelligente du monde, une compagne fidèle doué d'un sens de l'humour irrésistible, comme la majorité des âmes du Domaine du Ranch Namaspamoos, à croire que c'est un pré-requis indispensable ou une maladie contagieuse... dont nous sommes tous heureux de souffrir !

Bienvenue chez nous !
.


5 commentaires :

  1. Encore une fois, une superbe billet. J'adore la façon dont vous écrivez! =) Toujours un plaisir d'avoir des nouvelles des Namaspamoosiens qui me manquent tellement!

    RépondreSupprimer
  2. Wahou ! Rien qu'en lisant, j'ai tout imaginé ! Le moment ou vous courez pour voir l'intrus. Vos yeux ébahis, le cerf se "croûtant" dans la clôture, les juments dans leurs folies et la tête de Chimo agacé ! :)

    Pas besoin de photos, j'ai tout vu ! :)

    RépondreSupprimer
  3. Ps : J'aime cette maladie contagieuse ! :)

    RépondreSupprimer
  4. Quoiqu'en pensent les citadins, il y a plein d'évènements merveilleux à la campagne et tu sais en profiter. Bravo et quelle gentillesse de les partager avec nous tous.
    Lucien Xx

    RépondreSupprimer
  5. Cool ! C'est comme au cinéma. Si, si, quand on connait les lieux et les personnages, ya plus qu'à laisser filer son imagination !

    RépondreSupprimer

J'aime vous lire...